Les Méloponinés, des abeilles à miel sans dard et sans reproche

En Europe, on a tendance à croire que seule notre abeille domestique, Apis mellifera, est susceptible d’aider l’agriculture tout en faisant du miel. Pourtant, d’autres espèces d’abeilles ont été domestiquées et apportent les mêmes bienfaits à la nature et aux hommes. C’est le cas de beaucoup d’abeilles sans dard que l’on trouve dans les régions tropicales et subtropicale d’Amérique latine et d’Afrique, les Meliponinés (sous famille des Apidés à laquelle appartiennent aussi les mellifera). Ces meliponinés sont des abeilles sylvestres que l’ombre et la densité des arbres ne perturbent pas et qui, donc, pollinisent de nombreuses plantes sauvages dans la forêt amazonienne, congolaise, camerounaise…

En Amérique latine la domestication de certaines de ces méliponinés (dont on recense aujourd’hui plus de 500 espèces) remonte à plus de 2000 ans. La civilisation Mayas aurait vu l’apogée de cet élevage. Le conquistadore, Lopez de Gomara, dans son historia general y natural de las Indias (1552) s’extasie même de la diversité et des quantités de miel sur les marchés de Mexico.

Crédit photo : « une Melipona beecheii de Cuba » sur le site anthophila an online repository of bee diversity http://apoidea.myspecies.info/

 

Depuis une vingtaine d’années l’intérêt des scientifiques pour ces espèces a nettement augmenté et ceci pour des raisons écologiques, agricoles, financières et ethnologiques.

Tout d’abord, dans les régions tropicales et subtropicales, l’élevage de ces abeilles natives est de moindre coût que celui des Apis mellifera importées d’Europe. Et leur aptitude à polliniser efficacement de nombreuses plantes sauvages ainsi que de nombreuses productions agricoles, tels que le caféier, n’est plus à démontrer.

L’absence de dard est aussi particulièrement appréciée des populations car la manipulation des essaims est moins difficile, spécialement dans des pays où les équipements de protection pour Apis mellifera sont chers.

Enfin, du fait de l’absence de dard, certaines populations d’Amérique latine ont développé des relations particulières avec ces Méliponinés.

  • Dans la plaine du rio Mayabeque à Cuba, où traditionnellement chaque famille avait quelques ruches de Melipona beecheii (seule espèce de Méliponidés présente sur l’île), le miel, aux vertus médicinales très appréciées, ne faisait pas, et fait toujours très peu, l’objet de transactions financières. Les relations entre certains méliponiculteurs et leurs abeilles sont même aujourd’hui parfois plus proches de celles d’un propriétaire avec un animal de compagnie que de celle d’un éleveur avec son cheptel: la forme, la couleur des ruches, le bien-être des méliponinés…sont considérés avec plus d’importance que la production des ruches. (cf L’élevage des abeilles mélipones sur l’île de Cuba : une enquête ethnozoologique réalisée dans la plaine du río Mayabeque et la forêt de la Sierra del Rosario. de Samuel Perichon Le Rouzic, Walberto Lóriga Peña et Jorge Demedio Lorenzo).

 

  • D’une façon un peu différente, dans certaines villes du Brésil, l’élevage de Méliponinés est considéré comme une nouvelle forme de loisir. A Chapeco (175 000 habitants), au sud du Brésil, plus de 2000 colonies sont élevées par une cinquantaine de méliponiculteurs non professionnels. Si certains d’entre eux en tirent quelques gains en vendant le miel, cette nouvelle activité de loisir a l’immense avantage de préserver plus de 20 espèces d’abeilles. Et dans un pays où la forêt, habitat naturel de ces abeilles sans dard, se réduit d’année en année, ce n’est pas négligeable. (cf L’élevage des abeilles sylvestres (Apidés : Méliponinés) en milieu urbain : une nouvelle activité de loisir ou un commerce de miel (Chapecó/Santa Catarina, Brésil) de Samuel Perichon Le Rouzic ,Rodolfo Ribbi Jaffe et Cleiton Jose Geuster)

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